Rupture conventionnelle et procedure de licenciement

Interessante analyse de la Revue Fiduciaire :

La rupture conventionnelle emporte renonciation au licenciement

Dans une affaire tranchee le 3 mars 2015 (cass. soc. 3 mars 2015, n° 13-20549 FPB), la Cour de cassation admet que l employeur et le salarie concluent une rupture conventionnelle apres un licenciement et renoncent ainsi, ensemble, a ce licenciement.

La solution vaut aussi pour une rupture conventionnelle signée après une démission (voir § 3-6).

La Cour de cassation a adopté cette nouvelle règle de principe à l’occasion d’un litige relatif à la renonciation à une clause de non-concurrence (voir § 3-3).

Contexte : renonciation à une clause de non-concurrence

Chronologie : licenciement, rupture conventionnelle puis renonciation à la clause de non-concurrence

En l’espèce, il s’agissait de savoir si l’employeur avait renoncé à temps à la clause de non-concurrence qui liait un de ses directeurs régionaux. La clause envisageait une telle renonciation :

– soit à tout moment au cours de l’exécution du contrat ;

– soit à l’occasion de sa cessation, au plus tard dans la lettre notifiant le licenciement ou le jour même de la réception de la démission.

L’employeur peut renoncer à l’application d’une clause de non-concurrence si cette possibilité est inscrite dans le contrat de travail ou la convention collective applicable à l’entreprise. Ainsi, il libère le salarié de l’interdiction de concurrence et se dispense de lui verser l’indemnité de non-concurrence prévue. Pour ce faire, il doit respecter les délais inscrits dans le contrat de travail ou la convention collective. À défaut, la renonciation est inopérante (voir « Embauche et contrat de travail », RF 1053, §§ 1271 à 1285).

L’employeur avait licencié son directeur régional par lettre du 9 janvier 2009 avec dispense d’exécution du préavis de 3 mois. Puis, il avait signé avec lui une rupture conventionnelle le 10 février 2009, celle-ci étant homologuée le 19 mars et fixant la date de la rupture du contrat au 10 avril. L’employeur avait notifié la levée de la clause de non-concurrence le 8 avril 2009.

Date de la rupture à prendre en compte : celle fixée par la convention de rupture

Pour le salarié, il n’y avait pas lieu de tenir compte de la rupture conventionnelle signée après la notification de son licenciement. Selon lui, il convenait de se placer à la date de son départ effectif de l’entreprise puisqu’il avait été dispensé d’effectuer son préavis de licenciement. Il réclamait donc la contrepartie financière à la clause de non-concurrence dans la mesure où, selon lui, l’employeur avait renoncé à cette clause trop tard. Il n’obtient gain de cause ni devant les juges d’appel, ni devant la Cour de cassation.

En effet, pour les juges, l’employeur avait renoncé à la clause de non-concurrence au bon moment car :

– employeur et salarié, en signant une rupture conventionnelle, avaient renoncé au licenciement précédemment notifié ;

– en cas de rupture conventionnelle, c’est la date de la rupture fixée par la convention de rupture qui détermine le respect par l’employeur du délai de renonciation à la clause de non-concurrence (cette règle ayant déjà été posée auparavant) (cass. soc. 29 janvier 2014, n° 12-22166, BC V n° 35).

Or, la date de la rupture du contrat avait été fixée par la convention de rupture au 10 avril 2009 et l’employeur avait libéré le salarié de son obligation de non-concurrence le 8 avril 2009.

Quand l’employeur et le salarié s’entendent sur une rupture conventionnelle, ils signent une convention de rupture dans laquelle ils se sont mis d’accord notamment sur la date de la rupture, celle-ci ne pouvant pas intervenir avant le lendemain du jour de l’homologation par le DIRECCTE (voir § 3-1) (c. trav. art. L. 1237-13). C’est cette date qui doit être mentionnée sur les documents de fin de contrat (ex. : attestation Pôle emploi et certificat de travail) (cass. soc. 18 février 2015, n° 13-23880 D).

Revenir sur la rupture d’un contrat de travail en signant une rupture conventionnelle

Effacer un licenciement ou une démission par une rupture conventionnelle

Après un licenciement

Aujourd’hui, les employeurs savent donc qu’ils peuvent revenir sur un licenciement, précédemment notifié, en signant une rupture conventionnelle avec le salarié concerné (ils ont, en quelque sorte, un droit de repentir). Cela suppose, bien entendu, qu’employeur et salarié en soient d’accord.

Dès lors qu’il a notifié le licenciement, l’employeur ne peut pas, en principe, revenir dessus. Toutefois, les juges considèrent, de longue date, qu’il est possible de revenir sur le licenciement avec l’accord du salarié (cass. soc. 1er octobre 1996, n° 93-44034 D ; voir RF 1055, § 142). Dans l’arrêt rendu le 3 mars 2015, la Cour de cassation estime donc, assez logiquement, que la rupture conventionnelle formalise l’accord de l’employeur et du salarié pour renoncer au licenciement.

Du point de vue de l’entreprise, la conclusion d’une rupture conventionnelle à la place du licenciement présente à la fois des avantages et un inconvénient :

– la rupture conventionnelle est enfermée dans un délai de contestation de 12 mois (c. trav. art. L. 1237-14), alors que, pour un licenciement, le délai de prescription est de 2 ans (c. trav. art. L. 1471-1) ;

– le contentieux de la rupture conventionnelle est plus encadré que celui du licenciement, car il se résume, pour l’essentiel, à vérifier si le salarié a émis un consentement libre et éclairé ;

– en revanche, à montant égal, l’indemnité de rupture conventionnelle coûte plus cher que l’indemnité de licenciement, puisqu’elle est soumise au forfait social, au taux de 20 %, sur la fraction exonérée de cotisations de sécurité sociale (voir « Les cotisations sociales de l’entreprise », RF 1052, § 1219).

Après une démission

La nouvelle règle posée par la Cour de cassation permet également d’ « effacer » une démission, puisque les juges considèrent que la rupture conventionnelle vaut renonciation à la rupture du contrat résultant de « l’exercice par l’une ou l’autre des parties de son droit de résiliation unilatérale » (c’est-à-dire un licenciement ou une démission).

Toutefois, en pratique, on voit mal pourquoi l’employeur consentirait à négocier dans ces circonstances, sauf à vouloir sécuriser la rupture du contrat de travail, dans l’hypothèse où la démission du salarié prêterait à discussion.

Les questions qui restent en suspens

Certaines questions restent à régler.

La première question qui, à notre avis, reste à trancher est celle de la date à laquelle la rupture conventionnelle est signée par rapport à celle de la notification du licenciement.

Dans l’affaire tranchée le 3 mars 2015, employeur et salarié avaient signé la rupture conventionnelle un mois après la notification du licenciement, c’est-à-dire à une date où le préavis aurait dû être en cours, le salarié en ayant été toutefois dispensé.

À notre sens, en pratique, il conviendra de ne pas trop tarder pour signer une rupture conventionnelle qui vaille « renonciation commune » à un licenciement et, à tout le moins, de rester dans le laps de temps du préavis.

Une autre question se pose : une rupture conventionnelle permet-elle de revenir sur un licenciement, quel qu’en soit son motif ? On sait en effet qu’une rupture conventionnelle ne peut pas être signée dans le cadre d’un PSE (c. trav. art. L. 1237-16). Dans l’incertitude, la prudence recommande donc de s’abstenir de conclure une rupture conventionnelle à la suite d’un licenciement notifié dans le cadre d’une procédure de réduction des effectifs avec PSE.

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